Jean-Paul Huchon juge le Grand Paris

Le 7 octobre dernier, Jean-Paul Huchon était l’invité de l’émission « Les questions du mercredi » organisée par France Inter et Le Monde, qui en donnait vendredi 9 le compte rendu suivant (n° 20126, p. 21):

« Pourquoi partez-vous en guerre contre le projet de loi sur le Grand Paris ?
L’extension de l’Ile-de-France jusqu’à la mer, jusqu’aux portes du Havre, était un grand projet. Au lieu de quoi nous avons un médiocre précipité qui ne traite que de la création d’une autorité administrative supplémentaire qui va prendre la place des élus et qui ne sera utile aux Franciliens d’aucune manière.

Un grand métro va être créé.
Un grand métro que le rapporteur du budget Gilles Carrez, chargé d’une mission sur son financement, déclare ne pas pouvoir voir mettre en oeuvre avant 2035 ! Je suis chargé des transports et je ne pense pas que les Franciliens attendront 2035 pour avoir des RER confortables qui arrivent à l’heure, une ligne 13 qui ne soit pas une catastrophe dans laquelle les gens s’entassent à plus de quatre au m2, un vrai transport de banlieue à banlieue et du nouveau matériel ferroviaire. Ce que je crains, c’est que l’argent dépensé sur cette espèce de  » grand huit  » qui passe dans des lieux actuellement vides et qui ne desservira que quatre ou cinq  » pôles d’excellence  » n’ait aucun rapport avec les besoins en transport des habitants.

Le gouvernement annonce 800 000 emplois supplémentaires d’ici quinze ans. Ce n’est quand même pas rien. N’y avait-il pas moyen de s’entendre avec l’Etat ?
Une loi a organisé la décentralisation des transports. Les élus ont fait leur travail. Ils ont consacré 500 millions d’euros par an à améliorer le fonctionnement des transports, ont créé des lignes de bus, augmenté la fréquence des trains, permis que les jeunes et les moins jeunes puissent rouler la nuit dans le métro jusqu’à 2 h 15 le matin. Ils ont avancé un projet Arc Express qui est un métro automatique aussi, mais à 6-7 km de Paris et qui dessert de vraies zones urbanisées. Je ne veux pas voir disparaître tous ces projets.

Ce que vous redoutez le plus, c’est que l’Etat, via la société du Grand Paris, mette la main sur le foncier ?
Il va pouvoir préempter 1,5 km autour des gares. Autant d’occasions de spéculation foncière et immobilière. Des gens vont se régaler dans cette affaire. Ça me fait penser à la vieille époque avec l’affaire Aranda – ex-collaborateur du ministre Albin Chalandon qui dénonça les liaisons entre politique et milieux d’affaires – .

C’est de l’affairisme selon vous ?
Derrière cela, il y a des soupçons d’affairisme, absolument.

Mais les attentes d’infrastructures sont fortes du côté des Franciliens. A la limite, peu leur importe que l’Etat ou la région prennent le dossier en main.
Pour moi ça fait une grande différence Je ne suis pas pour le napoléonisme, le centralisme, le retour au baron Haussmann, parce que je ne crois pas que l’Etat soit un meilleur gestionnaire que les collectivités locales. Tous ces gens qui voudraient nous donner des leçons sont bien en peine de le faire, avec ce déficit public et cette dette abyssale qu’ils traînent.

Que va-t-il se passer si vous refusez de voter le projet de loi. Tout sera bloqué ?
M. Fillon a dit :  » Ce texte ne pourra pas s’appliquer s’il n’a pas l’adhésion des collectivités locales.  » Alors pourquoi le gouvernement a-t-il présenté ce projet en marchant littéralement sur la tête des élus et des citoyens ? Croyez-vous que Christian Blanc ait discuté avec un citoyen ? Et avec un élu ?

Vous travailliez ensemble naguère lorsque Michel Rocard était premier ministre. Vous ne lui parlez plus ?
Il est devenu UMP. Je suis toujours socialiste et j’essaie de développer les transports en Ile-de-France. Il a refusé de me voir pendant plus d’un an. Et je n’étais pas dans son bureau lorsqu’il a décidé de son fameux  » grand huit « .

Vous le prenez comme un mauvais coup politique avant les régionales ?
Je le prends comme les séquelles du jacobinisme, un machin complètement ringard qui n’existe nulle part en Europe.

Propos recueillis par Jean- François Achilli et Françoise Fressoz »

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