« J’y étais. Nous étions Charlie »

Dimanche 11 janvier 2015, j’y étais. J’ai marché aux côtés de milliers d’autres dans les rues de Paris pour dire « non ». Non à la barbarie. Nous avons pleuré et nous avons ri ; souvent nous nous sommes tus. Nous étions Charlie. Malgré la tuerie et la prise d’otages, malgré la menace faite à notre idéal républicain, nous n’avions pas peur. Nous avons relevé la tête pour regarder en face ceux qui nous haïssent et leur dire que nous ne les craignons pas et que nous sommes un peuple fier de sa liberté.

Dimanche 11 janvier 2015, j’étais Charlie. Mais je n’étais ni juif ni policier, pas plus que je n’étaischrétien, musulman ou athée, ouvrier, fonctionnaire ou chômeur. J’étais simplement un homme fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n’importe qui. J’étais un être humain dont le visage n’avait d’autre sens que la tristesse qu’il portait. Demain, quand l’émotion s’évaporera, on verra les intellectuels nous expliquer les causes et les hommes politiques nous proposer les solutions. On verra les journalistes entretenir nos souvenirs et les artistes les sublimer. Mais l’on ne verra pas les millions d’hommes et de femmes, ébranlés au plus profond d’eux-mêmes, qui voudront comprendre et agir.

Demain, si la Marche devient politique, religieuse, idéologique, alors nous aurons perdu. Ceux quisont morts l’auront été pour rien. Ce qui fut la lutte de quelques uns doit devenir le combat de tous.Que chacun, chaque jour, se dise « je suis Charlie » et se demande « comment puis-je continuer à l’être ? ». Faisons en sorte que le débat et l’action restent entre nos mains.

A ceux qui proposeront toujours plus de répression, je répondrai que c’est de cette répression que sont nés les assassins, que les prisons ont été l’école de leur radicalisation et que notre mépris a été la justification de leur haine. Je dirai qu’on ne défend pas les Droits de l’Homme en les bafouant dans le pays qui les a inventés.

A ceux qui proposeront un repli identitaire et une fragmentation de notre société, je répondrai que la laïcité n’est pas la juxtaposition de communautés, mais la construction d’un vivre-ensemble où peu importent la race, la religion ou la croyance. La laïcité, c’est l’universel au coeur de notre République.

Demain, nous aurons le devoir de nous interroger et d’agir. Nous sommes tous responsables de ce qui s’est passé. La réponse ne viendra ni de la répression, ni de l’interdiction, ni du repli : elle viendra de chacun d’entre nous, et de là seul. Nul homme providentiel, nulle explication simple, nul deus ex machina ne nous sauveront de nous-mêmes.

Demain, il ne suffira plus de défendre nos valeurs, il faudra nous battre pour elles. Nous battre pour que la République incarne l’intérêt général. Nous battre pour que la liberté d’expression soit au coeur de la démocratie. Nous battre pour que la laïcité soit le terreau de la liberté.

Nous battre enfin pour que la Marche continue, que la France entre dans le nouveau siècle avec legénie dont l’Histoire l’a dotée, qu’elle regarde l’avenir avec ce regard plein de détermination, defierté et d’audace qui est celui de Marianne, et qui fut celui des Marcheurs du 11 janvier.

Franck Lirzin

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