La banqueroute de l’idéologie libérale

La crise financière est là pour durer. Des États- Unis, elle s’est progressivement diffusée à l’Europe. Pour tenter de l’endiguer, le gouvernement américain a imaginé un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars. Partout, le retour de l’État semble indispensable. Un signe patent de l’échec des politiques libérales. Pour Bernard Soulage, secrétaire national adjoint à l’économie internationale, sans cette mesure, c’est le krash assuré.

La droite criait au loup chaque fois que l’État intervenait. Elle demandait plus de libéralisation, et laissait se développer la financiarisation de nos systèmes économiques. Mais quelle réponse avance-t-elle aujourd’hui face à la crise financière mondiale ? L’État. La gestion de la crise par les États-Unis est édifiante. Devant l’ampleur des faillites bancaires, le secrétaire d’État au Trésor, Henry Paulson, a proposé d’acheter des titres de banques instables pour 700 milliards de dollars. Une solution rejetée par la Chambre des représentants américains le 29 septembre (à l’heure où nous publions, nous ne connaissons pas les résultats du vote du jeudi 2 octobre). Les républicains, profondément anti-étatistes, refusent cette « intrusion » du gouvernement sur le marché.

D’autres, au contraire, se demandent si l’injection de tant d’argent public est légitime, quand l’État pourrait financer les petits épargnants touchés par la crise des subprimes. Pourtant, sans intervention de l’État, la crise ne peut que s’étendre. Et partout en Europe, en Allemagne, au Benelux et au Royaume-Uni notamment, les États nationalisent les institutions financières au bord de la banqueroute. Pour François Hollande, l’explication est simple : « L’État n’a pas joué son rôle parce qu’il n’y avait plus d’État. Paradoxe de la situation : quand les marchés sont en crise, quand les établissements financiers sont en faillite, le seul acteur qui peut venir en dernier ressort solvabiliser l’ensemble, c’est l’État lui-même. De ce point de vue, c’est l’échec des Libéraux. » Et sans changements radicaux, le risque d’une crise plus profonde se profile.

Bernard Soulage : “Un risque d’implosion du dollar”
(À l’heure où nous publions, nous ne savons pas si le Congrès s’accordera ou non sur ce plan Paulson)

S’il est adopté, qui paiera un plan Paulson évalué à 700 milliards de dollars ?

Il faut d’abord rappeler que cette mesure est assez intelligente puisqu’elle porte sur l’ensemble des banques et non sur un organisme en particulier. Ainsi les spéculateurs ne savent pas où attaquer.
En revanche, elle risque d’avoir des effets néfastes. La banque centrale américaine (FED) financerait ce prêt et le Trésor américain prêterait à la banque centrale, en bons. Mais ce dernier ne peut payer étant donné le déficit faramineux des finances publiques des États-Unis. Il s’agit donc de prêts accordés par des investisseurs étrangers, principalement chinois, japonais ou issus de puissances pétrolières. Ce stock de dollars détenu par les non résidents américains est une bombe à retardement. Une offre de dollars trop forte et une valeur en baisse pourraient les conduire à se débarrasser d’une monnaie peu intéressante pour eux. Cela entraînerait une chute vertigineuse du dollar et une perte totale de confiance dans les institutions financières américaines. À court terme, le risque n’est pas total car les Chinois, par exemple, ont intérêt à soutenir le dollar. Mais plus les États-Unis s’endettent, plus le risque augmente.

Quel serait l’impact d’un rejet du plan de sauvetage ?

Les institutions financières américaines risqueraient de se mettre en faillite. Et la crise s’accentuerait. Toutes les banques qui détiennent des créances sur ces banques américaines considéreront que ces dernières ne peuvent plus rembourser. Les banques seraient alors obligées d’inscrire les pertes chez elles et, comme le système financier est mondialisé, de fil en aiguille, tout le monde serait en faillite. L’économie est déjà touchée mais sans plan de sauvetage, le risque systémique, c’est-à-dire le risque que le système bancaire et financier s’effondre, devient une réalité. La crise touchera alors non seulement les États-Unis déjà très affaiblis, mais aussi les Européens. Les banques européennes sont mieux protégées mais, à ce degré de crise, plus personne ne sera épargné.

Dans les deux cas, une crise mondiale semble inévitable.

Le Plan Paulson vise à éviter ce risque systémique. Sans cela, la perte de confiance dans le dollar sera encore plus considérable. En cas d’implosion du dollar, on s’apercevra que nous n’avons pas de véritable système monétaire international. Car la seule vraie monnaie de réserve est le dollar. Nous travaillons depuis longtemps avec le PSE pour la tenue d’une nouvelle conférence de type Bretton Woods, pour mettre en oeuvre un nouveau système monétaire mondial moins bancal. Principale piste de changement : élaborer un système vraiment multipolaire avec plusieurs monnaies de réserve, comme l’euro par exemple. Et instaurer un meilleur financement des monnaies internationales, autour de « droits de tirage spéciaux » rénovés.

Propos recueillis par Fanny Costes

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