Point de vue : « Le doigt sur la gâchette et la main dans l’engrenage  » par J.P. Cathelin

Quelle est la raison d’être de la police municipale ? Pourquoi ne pas continuer à la distinguer clairement de la police nationale, et éviter la confusion des genres ?

Participer de façon combative au maintien de l’ordre n’est pas la mission essentielle des policiers municipaux, ce rôle étant déjà dévolu à d’autres instances telle l’armée, ou même la police nationale. Les règles de vie citoyenne, leur désignation et leur respect, et une grande partie de ce qui facilite la vie municipale -jusqu’au mieux vivre ensemble- tel est son cœur de métier. Ne faut-il donc pas mieux apprendre aux policiers municipaux à savoir comprendre les comportements de citoyens, réagir face à eux en sachant manier autant la courtoisie que la fermeté (via la parole par exemple) que de les former au maniement des armes.

Qui plus est les liens sociaux se tissent et le mieux vivre ensemble se renforce par la confiance et la proximité. Or, peut-on côtoyer un être qui porte une arme à feu aussi facilement qu’une personne qui en est dépourvue, et qui peu ou prou vous ressemble ?

Peut-on lui adresser la parole sans un minimum de soupçon face à l’objet qui donne la mort accroché à sa ceinture ? A moins bien sûr d’un esprit martial et d’être équipé pour une tentative d’agression (et dans ce cas là on s’équipe avec un matériel plus performant !) le policier armé qu’on croise perd des qualités de proximité et d’apaisement de la vie civile.

Vouloir disposer d’une arme est un réflexe de peur. Si bien évidemment le sentiment d’inquiétude reste tout à fait naturel, d’un autre côté c’est une facilité et même une supercherie de faire croire à une population qu’on pourra lui éviter ses craintes à partir du moment où les policiers municipaux seront armés.

L’attention de ceux-ci envers le maniement de leurs armes à contrôler en permanence se fera au détriment du reste. Et cela sans compter les coûts de matériels, d’entretiens et de temps de formation à supporter. Il y a aussi fort à parier qu’une fois mis le doigt dans cet engrenage on en viendra en permanence à la surenchère des équipements. Le pari est malheureusement gagné d’avance.

Optons plutôt pour une formation des policiers municipaux aux règles du bien vivre ensemble, aux évaluations psychologiques, au maniement du verbe, aux techniques d’écoute… et de réponses. Les potentiels de progrès en ce domaine sont considérables, mais à condition de leur faire confiance, de ne pas les prendre pour des exécutants à faire régner l’ordre. Dans différents pays les autorités publiques entreprennent d’inciter les personnes à modifier les comportements en dehors de l’emploi de la force et par des méthodes positives (cf la méhode Nudge par exemple). Cette approche de précurseurs émerge même dans certaines administrations en France grâce à une audace intellectuelle parfois bien supérieure à des courages physiques. Pour se protéger (réellement) nous avons davantage besoin de réflexion, de connaissances, et de ponts plus que de murs.

Alors, plutôt que de copier-coller de tristes exemples et de s’engager dans une voie irréversible, si on regardait de ce côté-là ?

Jean-Philippe Cathelin

 

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