Quand la droite fait rimer modernisation avec déréglementation

« La croissance, j’irai la chercher avec les dents » avait lancé le président de la République pendant la campagne. Pour l’heure, la croissance échappe toujours à Nicolas Sarkozy, alors même qu’elle revient en Europe. Et ce n’est pas le Projet de loi de modernisation de l’économie, discuté à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale, dont le maître mot est « déréglementation », qui va l’y aider…

Pour la droite, le discours et les boucs émissaires sont toujours les mêmes : les difficultés économiques de la France sont liées aux blocages structurels et économiques et aux retards pris par les gouvernements précédents, incapables de légiférer efficacement et d’adapter la France aux évolutions du monde. Pour stimuler la croissance, il faudrait tout simplement plus de liberté et plus de concurrence au sein de notre économie. Le remède tient en un mot : déréglementation.
Après la loi TEPA de juillet 2007, la loi pour le développement de la concurrence de l’automne 2007 et la loi pour le pouvoir d’achat de janvier dernier, voici donc le projet de loi de modernisation de l’économie, qui s’inspire largement du rapport Attali.
Globalement, les 44 articles du projet de loi n’ont guère de cohérence et ils ne tracent aucune perspective de développement économique. Ce texte se contente de faire de la dérégulation des pratiques commerciales la pierre angulaire de la lutte contre la hausse des prix. Son objectif : favoriser les grandes chaînes de distribution, les grands groupes comme Carrefour ou Auchan.

Pour les socialistes, le combat parlementaire, à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale, va se focaliser sur trois mesures phares du projet, contenues dans le titre II, à l’intitulé pourtant ambitieux : « Mobiliser la concurrence comme nouveau levier de croissance ». Ils vont s’attacher à dénoncer les dangers qu’elles font peser sur le commerce indépendant et de proximité. Précisément cette partie évoque la réorganisation des soldes, le réaménagement de l’urbanisme commercial et la négociabilité des tarifs.

En premier lieu, elle introduit deux semaines supplémentaires de soldes chaque année à des dates librement choisies par les commerçants. Il y aura toujours douze semaines, mais deux seront libres. Par là, la loi autorise des soldes permanentes, non contrôlées et non contrôlables. Surtout, les soldes seront des occasions de revendre à perte. Alors que jusqu’à présent les dérogations à l’interdiction de revente à perte étaient limitées, il y aura possibilité de revente à perte durant 12 semaines ! Les grandes enseignes seront favorisées, indéniablement. Car ce principe de distribution n’est applicable qu’aux seuls grands groupes qui ont accès aux fournisseurs asiatiques et qui pratiquent des coefficients de marges exceptionnelles (jusqu’à 20, alors que le commerce traditionnel marge entre 2 et 3).

Deuxième pomme de discorde : l’aménagement de la loi Raffarin sur l’implantation commerciale, avec un relèvement de 300 m2 à 1.000 m2 du seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation et une division par deux des délais d’examen des demandes.
Ce projet de loi va désorganiser l’urbanisme commercial au profit de la périphérie et du commerce intégré, et au détriment du centre-ville et du commerce de proximité.
C’est donc créer un commerce à deux vitesses : au-dessus de 1.000 m², un commerce respectueux des principes écologiques ; au-dessous, un commerce « low cost », sans besoin ni preuve d’engagement en matière de développement durable. De plus l’enquête publique pour les projets de plus de 6 000m² est supprimée.
Le texte pose aussi une nouvelle incitation au développement péri-urbain et crée de nouveaux déplacements par externalisation du commerce du centre-ville vers la périphérie.
Bref, ce dispositif est en complète contradiction avec l’idée d’un développement durable contenu dans le Grenellle de l’environnement.

Dernier point à risque : la libre négociation des tarifs entre les industriels et les distributeurs. Les tarifs seront librement négociables par chaque client de chaque fournisseur lors de chaque négociation commerciale. Ce qui favorisera les grands groupes au détriment, une fois de plus, des PME et PMI .

Le vote de ce projet entraînera, à terme, la disparition de tout un circuit de distribution que représentent les PME du commerce, entraînant des disparitions d’emplois qui ne seront pas compensés par la grande distribution. Un emploi crée dans la grande distribution entraîne la disparition de 6 à 7 emplois au sein du commerce de proximité.

Ariane Gil

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