Michel Sapin : « Le plan de rigueur est déjà là ! »

Issu d’un article sur La Croix :

La Croix : La croissance française a reculé au deuxième trimestre, à – 0,3 %. Faut-il craindre une récession ?

Michel Sapin : Ne nous voilons pas la face. Au sens strict, il n’y a pas encore de récession (2), mais l’année 2008 s’avère d’ores et déjà particulièrement difficile pour l’économie et les revenus des Français. D’ailleurs, même le PIB du premier trimestre a été revu à la baisse jeudi 14 août, alors que la ministre de l’économie Christine Lagarde avait dit « jubiler », à la publication des premiers chiffres. Aujourd’hui, il n’y a aucune raison de se réjouir et la politique économique du gouvernement n’a fait qu’aggraver la situation.

Nos voisins européens affichent aussi de mauvais résultats…

Nous avons bien entendu affaire à une crise internationale qui affecte également nos partenaires. Mais il y a en France une responsabilité propre à Nicolas Sarkozy et au gouvernement. Ils ont fait preuve d’aveuglement en affirmant que leur politique nous permettrait d’être moins touchés que les autres. Au contraire, notre pays se retrouve aujourd’hui plus faible que ses voisins face aux turbulences qu’il traverse.

D’une part, le gouvernement a affaibli les finances publiques l’été dernier en faisant voter le paquet fiscal pour un coût exorbitant de 15 milliards d’euros par an et une efficacité marginale. D’autre part, le déficit commercial record du pays traduit une fragilisation profonde de notre tissu économique. Nos entreprises exportatrices ont perdu en compétitivité ces dernières années, alors que le commerce extérieur français était excédentaire entre 1991 et 2004.

Le gouvernement et des économistes affirment pourtant que le paquet fiscal permet d’amortir le choc, en soutenant la consommation…

Encore une fois, le paquet fiscal n’a pas soutenu l’activité et l’emploi ces derniers mois. La principale mesure de ce texte, la défiscalisation des heures supplémentaires, a permis aux entreprises de bénéficier de généreux effets d’aubaine mais au final, le nombre d’heures travaillées cette année n’a pas augmenté, même si quelques salariés ont réussi à en profiter çà et là. Pendant ce temps, la hausse de l’inflation a rogné leur pouvoir d’achat. Et la dégradation attendue du marché de l’emploi ne va pas améliorer leurs revenus.

Que feraient les socialistes s’ils étaient au pouvoir ?

Il faut traiter deux urgences. D’abord, nous proposons de soutenir sans délai le pouvoir d’achat des Français, spécialement les plus modestes. Deux outils sont disponibles : l’augmentation, dès la fin août, de l’allocation de rentrée scolaire et l’instauration du chèque-transport, une déduction fiscale pour toute participation des entreprises aux frais de déplacements de leurs salariés. Ensuite, il faut accroître la compétitivité des entreprises. Celles qui consacrent leurs bénéfices à des dépenses d’innovation, de recherche, de formation du personnel… doivent payer moins d’impôt sur les sociétés que celles qui distribuent des dividendes.

De même, il faut en finir avec les allègements massifs de charges sociales : nous suggérons de conditionner ces dispositifs à la conclusion positive de négociations salariales, tandis que le gouvernement actuel propose de les conditionner à la seule ouverture de discussions sur les salaires. Enfin, nous souhaitons orienter une part de l’épargne populaire vers le financement des PME, à l’image de ce qui se fait pour le logement social avec le Livret A. Ces mesures seraient financées par l’annulation totale du paquet fiscal.

François Fillon réunit lundi 18 août les ministres concernés pour réagir. Que peut-il sortir de cette rencontre ?

Contrairement à l’Allemagne, à l’Espagne et à l’ensemble de nos principaux partenaires européens qui ont rétabli leurs finances publiques et disposent donc de marges de manœuvre, la France n’a plus aucune capacité de réaction pour gérer cette crise. À tel point que le déficit public français dépassera les 3 % du PIB en fin d’année. La croissance, elle, devrait seulement avoisiner 1 %, alors que le gouvernement a construit le budget 2008 sur une hypothèse de 2,25 %, ensuite revue à la baisse dans une fourchette comprise entre 1,7 et 2 %.

Du coup, sa seule solution est de diminuer fortement les dépenses. Il a commencé à le faire en supprimant des postes et en limitant les augmentations de salaires dans la fonction publique, ainsi que ses dotations aux collectivités locales. Le plan de rigueur est déjà là !

Recueilli par Marie DANCER

————————————

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *